L’île de Rurutu (archipel des Australes, Polynésie française) : une édification complexe liée au fonctionnement de deux points chauds

Rurutu (Austral Islands, French Polynesia): a complex build-up linked to the activity of two hot spots
Auteurs: 
G. Guille, H. Guillou, C. Chauvel, R.C. Maury, S. Blais, FI. Brousse
Année: 
1998
Numéro revue: 
3
Numéro article: 
6

Résumé

L’île de Rurutu appartient à l’alignement volcanique des Australes, l’un des quatre archipels de la Polynésie française. Elle est caractérisée par la présence de plateaux carbonatés surélevés et par l’existence de deux phases majeures de volcanisme séparées par une longue période d’inactivité de près de 11 Ma. La phase ancienne, d’âge Miocène moyen (12 Ma), correspond principalement à la mise en place de laves sous-marines constituant la base de l’édifice, à laquelle a succédé une période de volcanisme subaèrien. Les laves anciennes sont des basaltes alcalins et parfois cumulatif (océanites) et des hawaiites. La phase récente, d’âge Plèistocène (1 Ma), est subaérienne ; ses produits constituent les principaux sommets de l’île. Il s’agit de coulèes et de projections (stromboliennes et hydromagmatiques) qui recouvrent par endroits les plateaux carbonatés. Les laves correspondantes sont des basanites, qui caractérisent le volcanisme émis dans la partie méridionale de l’île, ainsi que des hawaiites basanitiques situées principalement dans sa partie nord. L’édification de l’île de Rurutu est complexe et résulte de l’activité de deux sources magmatiques séparées dans le temps et dans l’espace. Les laves miocènes ont été produites par l’activité du point chaud actuellement situé sous le seamount Macdonald au sud-est de l’archipel tandis que les laves quaternaires ont pour origine une reprise de l’activité volcanique alors que Rurutu se trouvait à plus de 1000 km au nord-ouest du Macdonald. Ces deux populations de laves présentent de nombreuses différences géochimiques : les laves anciennes ont une composition de type HIMU caractérisée par de fortes valeurs du rapport 206Pb/204Pb (compris entre 20,82 et 2I,08) et de faibles valeurs du rapport K7Srp6Sr (compris entre 0,70281 et 0,703OO) et sont proches de celles des îles voisines de Mangaia au nord-ouest et Tubuai au sud-est ; les laves récentes présentent des caractéristiques géochimiques différentes de celles des laves anciennes. Elles sont plus riches en alcalins et en éléments incompatibles, notamment en Rb, Ba, Th et Nb. Ces caractéristiques peuvent s’expliquer par la contamination des magmas ascendants issus du deuxième panache par un composant de type carbonatite qui serait resté piégé dans la lithosphère océanique sous-jacente à l’île durant le fonctionnement de la première source magmatique (Chauvel et al., 1997).

 

Abstract

Rurutu belongs to the Austral-Cook Islands, which form the most southerly island chain of French Polynesia; this lineament extends from the submarine Macdonald seamount in the southeast to the Palmerson atoll in the northwest and covers a distance of about 2000 km. Rurutu is 10 km long and 5.5 km wide, covers 38.5 km2 and culminates at 389 m Its main originality consists in the existence of carbonate platforms surrounding most of the island. These platforms define cliffs along the coastline, with two benches located at elevations of + 8/+ 10 m and 1.7 m that correspond to former sea levels dated at 120 000 years and 5 000 years BP, respectively. Geochronology. Rurutu was build-up during two distinct magmatic episodes .separated by a gap of about 11 Ma. The age of the older lavas (12 Ma} is consistent with a simple model in which the plume is already located under the Macdonald seamout while the Pacific lithospheric plate drifts at a speed of 11 cm/year. This plume has heen active ,for at least 18 Ma and has led to the,formation of the Mangaia, Rimatara, Rurutu, Tubuai, Raevavae and Rapa Iti islands as well as the Marotiri islets and the Macdonald seamount. The recent lavas (1 Ma) were produced by, a renewal of magmatic activity in a zone that would appear to be currently located between the islands of Rurutu and Tubuai. In the gap between these two eruptive phases, carbonate sediments were deposited on the flanks of the early volcanic massif. Doming of the lithosphere linked to the second magmatic event led to uplift of the island and the exposure of the sediments as rimming carbonate plateaus. The presente of Lepidocyclines in the sediments indicates an Upper Miocene age of deposition (older than 5 Ma). Petrology. The older lavas were emplaced in a submarine environment ,followed by subaerial conditions. They consist of picritic basalt, alkali basalt and hawaiite.Recent subaerial lavas define the main island summits, which are composed of lava ,flows and volcanic ejecta. Their composition is basanitic in the southern part of the island and basanitic to hawaiitic in the northern and central parts.The older and recent lavas can be distinguished by their trace-element and isotopic compositions. The older Rurutu volcanics are similar to the Mangaia and Tubuai lavas. They exhibit a HIMU composition with high 206Pb/204Pb ratios (20.82 to 21.08) and low 87Sr/86Sr.ratios (0.70281 to 0.70300). The characteristics of the recent lavas can be explained by contamination of the ascending magmas generated by the second plume source. The contaminant is probably a carbonatitic component produced during the first magmatic event and which had been trapped in the oceanic lithosphere (Chauvel et al., 1997).

 

Dernière mise à jour le 02.07.2015