Nature et origine des cuirasses bréchiques rouge foncé employées dans la construction de plusieurs églises romanes de la chaîne pyrénéenne extrême orientale

Nature and origin of dark red brecciated duricrust used on the building of some Romanic churches of the eastern end of Pyrenean chain
Auteurs: 
Pierre Giresse
Année: 
2018
Numéro revue: 
1
Numéro article: 
2

Plusieurs églises romanes de l’Est des Pyrénées (Albères, Aspre, Cerdagne) édifiées sur des terrains schisteux paléozoïques renferment des pierres de construction rouge foncé à structure bréchique et à ciment ferro-siliceux qui n’avaient jamais été signalées à ce jour. Ces pierres furent spécialement choisies à des fins ornementales (encadrements de portails et de fenêtres) pour embellir des monuments édifiés ordinairement avec des pierres schisto-gréseuse locales. La structure bréchique est caractérisée par des clastes schisteux gris clair à gris foncé inclus dans un ciment rouge (goethite) à rouge sombre (hématite). Ces roches proviennent d’horizons d’accumulation de sols ferrallitiques (cuirasses) de 30 à 50 cm d’épaisseur recouvrant la surface d’affleurement de plusieurs schistes sériciteux du Paléozoïque inférieur ou parfois de la fin du Protérozoïque. Ces horizons ont été le site de silicifications diagénétiques sous la forme d’amas bothryoïdaux qui assurent une charpente à la roche et facilitent ainsi sa fossilisation.

Les cuirasses renferment de nombreux pisolites à cortex et tubules cutanés évoquant l’activité des termites. Certains petits clastes ont disparu conduisant à une structure en boxwork. Parfois, une épaisseur de 1 à 2 mètres de saprolite sablo-graveleuse fait la transition avec le bed-rock. La matrice est composée de séricite dont la dégradation conduit à la néoformation de smectites et d’interstratifiés illite-smectite. La kaolinite ne figure qu’à l’état de traces. Les rapports Al/K et Si/Al permettent de suivre les étapes de la smectitisation, notamment les pertes en K et Si.

Les accumulations bréchiques sont principalement autochtones avec des profils généralement tronqués où les saprolites sont souvent absentes. Cette disposition est proche de celle des sols des pays du Sahel où la cuirasse finit par absorber les saprolites fines et grossières pour se coller au bed-rock.

Le climat de l’Est des Pyrénées était tropical dès le Crétacé et jusqu’à la fin de l’Eocène, époque à laquelle se sont achevées les fortes hydrolyses favorables à la formation de kaolinite et de bauxite. Par la suite, le Sidérolithique, avec des saisons plus contrastées, a été propice propice à l’érosion, et ce sont les smectites qui, jusqu’à la fin du Miocène, sont devenues les argiles caractéristiques de l’altération des schistes sériciteux. Le passage à des conditions de plus en plus arides a contribué à la fossilisation des cuirasses où l’hématite a pu relayer la goethite. La calcédoine, issue de la néoformation des smectites, s’est développée dans les cuirasses, mais également à la base des saprolites.

Mots-clés : cuirasse cénozoïque, latérite, silicification, pierres monumentales, Pyrénées orientales.

Several Romanic churches of eastern Pyrenees (Albères, Aspre, Cerdagne) built on Paleozoic schistose bed-rocks show dark red building stones with breccia structure and ferro-siliceous cement that were never reported so far. Considering the abundance of schistose sandstones in the landscape around, this uncommon dark red stone with light gray clasts was obviously designated for ornamental purposes (frames of portals and windows). This rock has a breccia structure with clear gray to dark gray clasts of schist included in a red (goethite) to dark red (hematite) cement. They were derived from 30 to 50 cm thick accumulation horizons (duricrust) of ferrallitic soils covering the surface of various lower Paleozoic and sometimes late Proterozoic shales.

These horizons were the site of silicifications in bothryoidal clusters that provided a frame to the rock and allowed its fossilization. Sometimes 1 to 2 m-thick sandy and gravelly saprolite make the transition with the top of the bedrock, and in places the duricrust is crossed by pisolitic nodules and coated tubules evoking termitic activity. The disappearance of small clasts give to some rocks a boxwork structure.

In the saprolitic horizon, sericite is the main component of the matrix. Its degradation was accompanied by the neoformation of smectites and interlayered illite-smectite, with only trace amounts of kaolinite. The Al/K and Si/Al ratios record the smectitisation, resulting in the loss of K and Si. The soil profiles are usually truncated, often devoid of saprolite and autochtonous accumulations. This situation is comparable to that of soils in Sahelian semi-arid countries where the duricrust can absorb the fine and coarse saprolites, reaching the bedrock.

The climate of this region was tropical from the Cretaceous to the end of the Eocene, when the strong hydrolysis of the bauxite and kaolinite slowed down. Thereafter more contrasting seasons favored erosion during the Siderolithic and the smectites became the characteristic clays of alteration until the end of the Miocene. The shift to more arid conditions contributed to the preservation of the duricrust whit replacement of goethite by hematite. The Castelnou section shows the development of chalcedony in the duricrust, but also at the base of the saprolite. The neoformation of smectites has induced an excess of silica, which promoted its precipitation.

Keywords: Cenozoic duricrust, laterite, silicification monumental stones, Eastern Pyrénées.

 

Dernière mise à jour le 04.06.2018