Les formations cénozoïques dans le Sud-Est de la France (région située entre Grasse et Nice)

The Cenozoic formations of south-eastern France, between Grasse and Nice
Auteurs: 
Marie-Denise COURME-RAULT, Michel DUBAR
Année: 
2011
Numéro revue: 
2
Numéro article: 
1

Résumé

Cet article est consacré à une analyse détaillée des différentes formations cénozoïques de la région de Grasse- Cannes, décrites sous une forme condensée dans la notice de la 2e édition de la feuille Grasse-Cannes au 1/50 000. Ces formations qui, souvent, n'affleurent que sur des surfaces extrêmement réduites, revêtent cependant une très grande importance dans la mesure où elles permettent de préciser le calendrier tectonique régional. Par ailleurs, dans cette région où la pression urbanistique est grande, plusieurs affleurements ont déjà disparu ou risquent d'être détruits. Il est donc très important d'en donner une description aussi précise que possible. Parallèlement, nos connaissances sur le Messinien et sur le Plio-Pléistocène ont bénéficié de recherches en milieu sous-marin (IFREMER), de nouvelles grandes excavations en zone sub-urbaine de Nice et de forages profonds hydrogéologiques (Conseil Général 06). Concernant le Pliocène, les nouvelles données permettent de préciser la paléobathymétrie des dépôts et les conditions de mise en place depuis 5,5 Ma dans un contexte global de variations accélérées du niveau de la mer. Les formations de l'éocène moyen et de l'éocène supérieur sont caractéristiques d'une transgression qui se développe d'Est en Ouest. L'avancée progressive de la mer débute au Bartonien avec des dépôts caractérisant un domaine de plate-forme interne : faciès lagunoévaporitiques d'abord (argiles bariolées...), faciès lagunolittoraux ensuite (calcaires à oncoïdes algaires, à Miliolidés, calcaires bio-clastiques). Leur font suite des faciès du domaine de plate-forme externe (calcaire à Nummulites) puis du domaine de bassin (calcaire micritique, argileux). L'ensemble correspond à une séquence positive. Avec le Priabonien, cette transgression atteint Saint-Vallier-du-Thiey à l'Ouest, et montre des faciès calcaires et marneux traduisant encore une séquence positive. Une émersion généralisée accompagnée d'une longue période d'érosion s'installe au cours du Priabonien terminal. Les matériaux mobilisés se retrouvent en épandage ou piégés dans des bassins effondrés ; ils constituent la Formation de la Guargo (brèches, conglomérats...). Aucun marqueur ne permet de leur donner un âge précis. à l'exception de deux sites (Le Lauron et Saint-Paul-de-Vence - 1 galet), cette formation ne comporte pas de galets d'andésite. Tantôt les andésites reposent directement sur cette formation, tantôt c'est elle qui repose sur les andésites. Cette même formation repose sur différents termes de l'éocène et peut être scellée par la molasse miocène. On met ainsi en évidence un remplissage non-synchrone de bassins ou fossés du Sud vers le Nord. La période miocène correspond à un deuxième cycle sédimentaire encadré par deux périodes d'émersion généralisée (Oligocène et fini-Miocène). La sédimentation burdigalienne, d'abord littorale à circalittorale (molasse), montre un approfondissement avec des marnes qui persistent au Langhien. Des paquets de brèches implantés dans ces marnes marquent le début de l'instabilité du secteur. La période langhienne - serravallienne correspond à une régression avec basculement vers l'Est et le Nord-Est. Elle est marquée par des faciès à Algues, des calcaires à Pectinidés et des molasses fines, relayées par une molasse grossière à l'Ouest. Les derniers dépôts miocènes [Serravallien (?) - Tortonien (?)] de conglomérats et brèches, traduisent le comblement du bassin et une phase alpine soit serravallienne soit tortonienne. Il n'y a pas de dépôt messinien pré-évaporitique. La crise de salinité messinienne se traduit sur les bords du bassin par une vague d'érosion régressive intense dont le résultat est le creusement au droit des fleuves d'axes incisées très profonds et pénétrant amplement à l'intérieur des terres. Des mégabrèches d'écroulement s'y accumulent localement. Ces incisions vont conditionner une bonne partie de la mise en place du dispositif deltaïque Plio-Plèistocène. Celuici est analysé selon deux volets : 1/ stratigraphique, en s'appuyant sur les abondantes données biostratigraphiques de microfaunes marines (foraminifères) ; 2/ cartographique, en délimitant sur le terrain la géométrie des appareils successifs. Les rôles respectifs du niveau de la mer et de la tectonique sont restitués et expliquent dans un contexte d'espace disponible de plus en plus réduit, le caractère fondamentalement emboîté des formations pliopléistocènes : d'abord le delta zancléen qui s'installe dès 5,3 Ma dans l'incision messinienne, puis les deltas plaisanciens (3,58-2,60 Ma) et gélasiens (2,6-1,7 Ma) qui indiquent des mouvements amples du niveau marin. Enfin, les terrasses quaternaires emboîtées ou étagées sont autant de petits deltas formés au gré des oscillations à haute fréquence du niveau de la mer dans un contexte de soulèvement modéré du continent. Au point de vue structural, le secteur étudié appartient au domaine pyrénéo-provençal, au domaine alpin proprement dit, et est situé sur la marge du bassin liguro-provençal. Il est donc soumis aux effets de la tectonique pyrénéenne (éocène-Oligocène), aux contrecoups de phases compressives majeures alpines (Paléogène-Néogène). Le poinçonnement alpin d'une part, l'ouverture du golfe de Gênes d'autre part, sont à l'origine de la structuration oligocène. Plusieurs périodes d'épanchements volcaniques se succèdent avec mises en place d'andésites d'âge oligocène (voire éocène terminal ?) liées à des mouvements d'extension en situation d'arrière-arc. Enfin, les conglomérats du Serravallien (?) - Tortonien (?) sont affectés de déformations traduisant une phase d'activité intense dans le domaine alpin. Celle-ci conduit à la mise en place du chevauchement des Baous, événement majeur de la genèse de l'arc de Castellane. Au Pliocène, sous l'effet de la surrection du massif de l'Argentera, l'arc de Nice se met progressivement en place. Le phénomène atteint son paroxysme au Pliocène supérieur avec la mobilisation d'écailles chevauchantes vers le Sud- Ouest. Des accidents décrochants sur les bordures guident le mouvement. La surrection de l'arc, qui est peut-être sous la dépendance d'un chevauchement profond dans le socle, entraîne un soulèvement régional qui perdure durant le Pléistocène et qui est responsable de l'emboîtement des dépôts puis de leur étagement en terrasses.

Abstract

We provide an analysis of the various Cenozoic formations in the area between Grasse and Cannes, described in a summary manner in the explanatory notes to the 2nd edition of the Grasse-Cannes geological map at 1:50,000 scale. Though such formations in many cases are known from only very small outcrops, they are of great importance as they allow refining the regional tectonic time-table. Moreover, in this area with a great urban-growth pressure, several exposures have already disappeared or risk destruction. Therefore, it is important to describe them as precisely as possible. At the same time, our knowledge of the Messinian and the Pliocene-Pleistocene has benefited from submarine research by IFREMER, from new major excavations in the suburbs of Nice and from deep hydrogeological boreholes in the Alpes Maritimes Department. Concerning the Pliocene, new data have refined our understanding of the paleo-bathymetry of these deposits and of their conditions of emplacement since 5.5 Ma, in an overall context of accelerating sealevel variations. Middle and Upper Eocene formations are characteristic of an east-to-west transgression. The progressive advance of the sea started in the Bartonian with internal-shelf deposits: first multi-coloured clay of an evaporite-lagoon facies, followed by a littoral-lagoon facies of limestone with algal oncoids and miliolids, and bioclastic limestone. These are overlain by external-shelf deposits (Nummulites limestone) and then by micritic clayey limestone deposited in a basin. This unit corresponds to a positive sequence. By the Priabonian, the transgression has reached Saint-Vallier-du- Thiey in the west, shown by limestone and marl still indicating a positive sequence. During the latest Priabonian, a long period of general emersion and erosion started. The reworked sediment was spread over flat surfaces or trapped in subsiding basins and now is called the Guargo Formation (breccia, conglomerate, etc.) No marker has been found that gives them a precise age. Except for two sites at Le Lauron and Saint-Paul-de- Vence (1 pebble), this formation does not contain any andesite pebbles. However, andesite is found directly overlying or underlying this unit, which is also found overlying various Eocene deposits and can be sealed by Miocene molasse. This indicates an asynchronous infilling of basins or graben from south to north. The Miocene period corresponds to a second sedimentary cycle framed by two periods of general emersion (Oligocene and latest-Miocene). Burdigalian sedimentation, initially littoral to circalittoral (molasse), gradually became deeper with marl that persisted into the Langhian. Scattered breccia within the marl indicates the start of instability in the area The Langhian-Serravallian period corresponds to a regression with tilting to the east and north-east. It is marked by algal limestone with pectinids and fine-grained molasse, which to the west becomes more coarse-grained. The last Miocene [Serravallian(?) - Tortonian(?)] conglomerate and breccia deposits show infilling of the basin and an Alpine phase that occurred during either the Serravallian or the Tortonian. No traces were found of pre-evaporitic Messinian deposits. The Messinian salinity crisis was expressed on the basin edges by an intense regressive erosion wave, resulting in the incision of antecedent streams that deeply penetrated the interior of the region. Mega collapse breccias locally accumulated as well. Such incision conditioned a good part of the Pliocene- Pleistocene delta system, which can be analysed according to two aspects. The first is stratigraphic, based on abundant biostratigraphic data from marine microfauna (foraminifera); the second is cartographic, by delimiting in the field the geometry of successive units. The respective roles played by sea-level changes and tectonics have been reconstructed and are explained in the context of an increasingly reduced space. This is shown by the fundamentally interlocking character of the Pliocene- Pleistocene formations. First, a Zanclean-age delta was formed as of 5.3 Ma within the Messinian incision; this was followed by Plaisancian (3.58-2.60 Ma) and Gelasian (2.6-1.7 Ma) deltas indicating large sea-level movements. Finally, interlocking or stacked Quaternary terraces were in fact as many small deltas created by high-frequency sea-level oscillations within a context of moderate uplift of the continent. From a structural viewpoint, the area of interest belongs to the Pyrenean-Provençal domain of the larger Alpine domain, and is located on the margin of the Ligurian- Provençal Basin. It was thus affected by Pyrenean tectonics (Eocene-Oligocene), and by the backlash of major Alpine compressive phases (Paleogene-Neogene). Both the Alpine compression and the opening of the Gulf of Genoa were at the origin of the Oligocene structural deformation. Several periods of volcanic activity succeeded each other as shown by the spreading of Oligocene-age (or even latest Eocene) andesite, which were related extensional crustal movements in a back-arc setting. Finally, the Serravallian(?)-Tortonian(?) conglomerate was affected by deformation indicating intense tectonic activity in the Alpine domain. This led to the emplacement of the Baous thrust, a major event in the creation of the Castellane Arc. During the Pliocene, under the effect of the uplift of the Argentera Massif, the Nice Arc progressively came into being. This phenomenon reached its paroxysm during the late Pliocene with the mobilization of peel thrusts to the south-west. Strike-slip faults along the edges guided this movement. The uplift of the arc, possibly caused by deep thrusting within the crust, caused regional uplift that continued during the Pleistocene, and which caused the stacking of deposits and the creation of terraces.

Dernière mise à jour le 09.06.2015