Les Marquises (Polynésie française) : un archipel intraocéanique atypique

The Marquesas archipelago (French Polynesia): an atypical intraoceanic linear chain
Auteurs: 
G. Guille, C. Legendre, R.C. Maury, M. Caroff, M. Munschy, S. Blais, C. Chauvel, J. Cotten, H. Guillou
Année: 
2002
Numéro revue: 
2
Numéro article: 
1

Résumé

L’archipel des Marquises, le plus septentrional des alignements volcaniques intraplaque océanique de la Polynésie française, est constitué de huit îles principales (Eiao, Nuku Hiva, Ua Huka, Ua Pou, Hiva Oa, Tahuata, Motane, Fatu Hiva) et de quelques îlots et monts sous-marins, l’ensemble s’étant édifié, entre 5,5 et 0,4 Ma, sur une croûte océanique âgée de 53 à 49 Ma. Nous présentons une étude synthétique et une analyse critique des données géologiques, géophysiques, géochronologiques, pétrologiques et géochimiques actuellement disponibles sur l’archipel. Ce travail montre que les Marquises diffèrent, à bien des égards, des chaînes volcaniques intraocéaniques de type hawaiien, représentées en Polynésie par l’archipel de la Société et l’alignement Pitcairn - Gambier - Mururoa. Tout d’abord, l’archipel présente une direction d’ensemble atypique (N 140-150°E), à rapprocher de la direction structurale ancienne acquise par la lithosphère océanique parallèlement à l’ancien axe d’accrétion lors du fonctionnement de la ride Pacifique-Farallon. Aucun volcanisme actif n’a été mis en évidence jusqu’à présent à son extrémité méridionale, près de la Zone de Fracture des Marquises, et les corrélations entre les âges des îles et leur distance par rapport au point chaud présumé sont moins claires que pour les archipels de type hawaiien. On n’observe pas d’atolls et la subsidence résiduelle récente des îles semble limitée. Les effondrements gravitaires des édifices volcaniques sont plus fréquents et plus importants que dans les autres archipels polynésiens. Un important épaississement crustal a été mis en évidence sous la partie centrale de l’archipel, où le Moho atteint des profondeurs de 15 à 20 km. Enfin, l’étude pétrologique et géochimique des laves constituant les différentes îles de l’archipel montre des évolutions complexes, témoignant en particulier de l’existence d’interactions entre les magmas issus du panache et des matériaux lithosphériques enrichis en éléments incompatibles. Deux modèles, entre lesquels il est à l’heure actuelle difficile de trancher, sont susceptibles d’expliquer la plupart des singularités de l’archipel marquisien. Le premier postule que l’épaississement crustal a été récemment acquis par un très important sous-placage de matériaux magmatiques lors du passage de la lithosphère océanique au-dessus du point chaud. Le second, au contraire, admet l’existence, non encore démontrée, d’un plateau océanique servant de substratum à l’archipel et formé à, ou près, de l’axe de la ride Pacifique-Farallon vers 50 Ma.

Mots-clés : Synthèse bibliographique, Roche volcanique, Volcan bouclier, Placage sous-crustal, Plateau océanique, Îles Marquises

Abstract

The Marquesas archipelago is the northernmost of the five linear intraplate volcanic chains of French Polynesia. It includes eight main islands (Eiao, Nuku Hiva, Ua Huka, Ua Pou, Hiva Oa, Tahuata, Motane, Fatu Hiva) and a few islets and seamounts formed between 5.5 and 0.4 Ma on a 53-49 Ma old oceanic crust generated at the axis of the Pacific-Farallon ridge. We present here a critical review of the presently available geological, geophysical, geochronological, petrologic and geochemical data on the Marquesas archipelago. It shows that the Marquesas differ in many respects from the intraplate Hawaiian-type hotspot chains represented in Polynesia by the Society archipelago and the Pitcairn - Gambier - Mururoa linear chain. First, the Marquesas archipelago presents an unusual N140-150°E trend, which is approximately consistent with the spreading motion of the Pacific-Farallon ridge, suggesting that the emplacement of the Plio-Quaternary magmas was controlled by the tectonic features and/or the weakness zones of the underlying Pacific plate. Another characteristic feature of the Marquesas is the lack of any presently well-identified active volcanic zone at its southeastern edge, i.e. the Marquesas Fracture Zone. Moreover, the correlation between the ages of the volcanic islands and their distance to the presumed hotspot is less clear than in most Hawaiian-type linear chains. The archipelago is also devoid of any atoll, and the Pleistocene residual subsidence experienced by most islands is rather low. Another atypical feature of the Marquesas with respect to the other Polynesian hotspot chains is the frequency and major importance of gravity collapse events that have destroyed half the surface or more of some islands. In addition, seismic studies have indicated a deep crustal root below the central part of the archipelago, where the depth of the Moho reaches 15 to 20 km. Finally, the petrologic and geochemical features of the Marquesas lavas are unusually complex, and several studies point to important chemical interactions between the ascending plume-related magmas (including the oldest ones, drilled in Eiao and dated at 5.5-50 Ma) and a lithosphere containing incompatible element-enriched crustal materials. Two alternative models may account for most of these unusual characteristics, and further dredging and geochemical studies are needed to decipher between them. The first one postulates that the observed crustal thickening results from Plio-Quaternary magmatic underplating of gabbroic materials when the Pacific lithosphere passed over the Marquesas hotspot. The second one postulates that the origin of the crustal root was linked to the formation of an oceanic plateau, ca. 50 Ma ago, at or near the axis of the Pacific-Farallon ridge, this structure being thermally rejuvenated when it passed over the Marquesas hotspot.

Key words: Bibliographic synthesis, Volcanic rocks, Shield volcanoes, Underplating, Oceanic plateau, Marquesas Islands

Dernière mise à jour le 01.07.2015