Le monzogranite sous couverture de Soultz-sous-Forêts (Graben rhénan, France). Minéralogie, pétrologie et genèse

The hidden monzogranite of Soultz-sous-Forêts (Rhine Graben, France). Mineralogy, petrology and genesis
Auteurs: 
J.M. Stussi, A. Cheilletz, J.J. Royer, P. Chèvremont, G. Féraud
Année: 
2002
Numéro revue: 
1
Numéro article: 
5

Résumé

Retenu comme l’une des cibles du projet Europe Hot Dry Rock (HDR), le socle sous couverture secondaire et tertiaire du site de Soultz-sous-Forêts (graben rhénan, France) a été atteint à 1 430 m, foré en carotté continu jusqu’à 2 230 m (sondage EPS-1) et en destructif jusqu’à 5 080 m (sondage GPK2). Ce socle est constitué d’un monzogranite à mégacristaux de feldspath potassique dont on ne connaissait pas d’équivalent de surface dans les régions hercyniennes voisines. Les variations des caractéristiques pétrologiques le long de la colonne carottée du monzogranite ont été déterminées à partir du prélèvement de 14 échantillons, ainsi que des analyses effectuées antérieurement par le BRGM (dont 5 enclaves). Le monzogranite de Soultz se caractérise par une paragenèse minérale à quartz, plagioclase, orthose, biotite, amphibole, sphène, allanite et par une composition calco-alcaline potassique, enrichie en Ba, K, Th, U, Y, et terres rares. Les variations chimiques le long du sondage mettent en évidence deux zones ne présentant pas de solution de continuité. Elles se distinguent par les abondances de minéraux (hornblende, biotite, plagioclase, orthose), par les teneurs en Ba, Sr, Th et terres rares (biotite, orthose, Ba Th et terres rares plus élevées en dessous de la cote 1 800 m) et par leurs modalités de variation (plus régulières en profondeur qu’au-dessus de 1 800 m). Ces variations sont rapportées à des fractionnements solide-liquide lors de l’ascension et de la mise en place du monzogranite. À ces variations se superposent des litages magmatiques formés par l’accumulation de mégacristaux de feldspath potassique (jusqu’à 60 % d’orthose) et quelquefois de minéraux ferro-magnésiens. D’après la course de cristallisation des minéraux et les paramètres intensifs obtenus (pression de cristallisation calculée à partir de la composition zonée de la hornblende, température de cristallisation, fO2), le monzogranite aurait cristallisé en deux stades : (i) un stade profond à 3,5 kb (11-12 km) et à 755-790 °C (minéraux au liquidus : hornblende, rare sphène, allanite, biotite, orthose, plagioclase), (2) un stade d’ascension et de mise en place du magma à 1,5-2,0 kb (4,5-5,5 km) et 665-715 °C, marqué par la fin de cristallisation de la hornblende et de la magnétite, développement du litage magmatique et consolidation de la matrice quartzo-feldspathique. La mise en place du monzogranite est accompagnée d’un magmatisme shoshonitique synchrone représenté par des enclaves de monzogabbrodiorites, monzodiorites quartzifères, monzonites quartzifères et syénites quartzifères fortement enrichies en K, Th, U, et terres rares. Les rapports initiaux du strontium (87/86Sr = 0.7058), ainsi que les simulations par bilans de masse et fractionnement d’éléments traces, il est suggéré que le monzogranite aurait une origine essentiellement crustale impliquant un constituant mantello-dérivé représenté le plus probablement par les monzodiorites quartzifères rencontrées en enclaves. D’après les datations isotopiques Rb/Sr à 325 Ma, K/Ar (321 ± 8 Ma), 40Ar/39Ar (319,8 ± 0,6 à 322,4 ± 0,4 Ma ; âges de refroidissement) et U/Pb sur zircon (331 ± 9 Ma ; âge de mise en place), le monzogranite s’est mis en place à la limite du Viséen supérieur et du Namurien. Le monzogranite de Soultz constitue de ce fait l’une des dernières manifestations plutoniques actuellement connues dans le domaine de la ride cristalline médio-germanique. Par ses caractéristiques pétrologiques (Th, U, Y, Zr, terres rares), il s’apparente davantage aux monzogranites shoshonitiques de Senones et Natzwiller (Vosges septentrionales) qu’aux granites ultimes de l’unité III de l’Odenwald (Heidelberg, Tromm). L’âge de mise en place et la structure magmatique fruste indiquent pour le monzogranite de Soultz une mise en place syn- à post-D4 par rapport aux phases de déformation de l’Odenwald. Celle-ci s’inscrirait dans un contexte collisionnel à post-collisionnel des zones externes septentrionales de l’orogène varisque centre-ouest européen.

Mots-clés : Monzogranite, Analyse éléments majeurs, Analyse élément trace, Terre rare, K-Ar, Ar40-Ar39, Origine crustale, Orogénie varisque, Bas-Rhin, Fossé Rhénan.

Abstract

Drilling at Soultz-sous-Forêts, France, conducted as part of the European Hot Dry Rock (HDR) Project, penetrated granitic basement down to 5,080 m and revealed a porphyritic monzogranite that has no known equivalent in the granitic outcrops of adjacent basement areas. The EPS-1 borehole core (from 980 to 2,230 m) shows a monzogranite that has a high-K calc-alkaline composition and is enriched in K, Th, U, and REE. Petrological and mineralogical characteristics indicate that the monzogranite formed through two crystallization stages: a first, deep-seated, stage was characterized by the crystallization of liquidus phases in the 755-790 °C range, at 3.5 kb (11-12 km depth). This was followed, during ascent and at emplacement level, by consolidation at 665-715 °C, 1.5-2.0 kb (4.5-5.5 km depth) associated with the development of K-feldspar layering. Published Rb/Sr ages (325 Ma), new 40Ar/39Ar cooling ages (319 Ma), a U/Pb on zircon emplacement age of 331 Ma, and petrological arguments such as the presence of monzogabbrodiorite to quartz-syenite enclaves, indicate that the Soultz monzogranite had a mainly crustal origin with a possible contribution of mantle-derived components represented by the enclaves. Emplacement was related to collision tectonics during the transition between Early and Late Carboniferous.

Key-words: Monzogranites, Major-element analyses, Trace-element analyses, Rare earths, K-Ar, Ar40-Ar39, Crustal origin, Variscan orogeny, Bas-Rhin France, Rhine Graben.

Dernière mise à jour le 03.08.2015